Au seuil des années 2000 les qualificatifs tels que actif (même hyperactif), intensif, rentable, réaliste, tiennent encore fermement le haut de l'échelle de valorisation individuelle et sociale parfois hélas au détriment de la santé et des valeurs humanistes. Bien sûr les créatifs et les novateurs sont toujours à l'honneur mais on méconnaît souvent leur côté rêveur, sauf pour s'en moquer gentiment dans le meilleur des cas.
Car à l'école déjà, il est mal vu "d'être dans la lune" et plusieurs années plus tard, à l'âge des projets, les "faut pas rêver" pleuvent abondamment sur les soleils bleus des rêveurs de projets naissants. Demeurent tout de même des récalcitrants, rêveurs de tous temps, explorateurs curieux et déconcertés devant leurs images intérieures, quelques visionnaires et enfin des chercheurs scientifiques qui tentent depuis le début du siècle dernier, d'élucider les mécanismes des rêves et du sommeil.
Les "critiqueurs du rêve" sont vraisemblablement encore sous l'influence d'une "énergie collective anti-rêves" en provenance de l'Histoire. En effet l'interprétation des rêves était illégale jusqu'en 1992, année où fut rénové l'ancien code pénal napoléonien. Auparavant étaient punis d'amende les gens qui faisaient métier de deviner, de pronostiquer ou d'expliquer les songes. Au 16ème siècle le célèbre écrivain et poète Ronsard annonçait :"je pense que tous songes, sans rien signifier, ne sont que mensonges". Heureusement au 18ème siècle J.J. Rousseau avec ses rêveries d'un promeneur solitaire et les écrivains romantiques ont remis les rêves et la rêverie, l'imagination et l'intuition à l'honneur. Encore plus tôt dans l'Histoire, le combat entre croyances chrétiennes et croyances païennes (dès le 4ème siècle) puis l'inquisition ont mis un terme drastique aux pratiques oniriques auparavant florissantes dans la Grèce et l'Egypte anciennes.
Les rêves sont-ils si éloignés de la réalité contemporaine pour qu'ils soient ainsi niés ou méconnus de beaucoup de monde ? Non, bien sûr, au contraire. Ils contiennent une information précieuse. La plupart du temps, sauf dans les rêves prémonitoires, leurs messages sont codés. C'est pour cela qu'ils paraissent souvent incompréhensibles, parfois absurdes à première vue. Ils obéissent à une forme de pensée différente de la pensée éveillée. Et pourtant ils traitent de nos préoccupations les plus profondes. Les rêves contiennent des images en provenance de l'inconscient.
En tant que médecin, Freud s'est surtout penché chez ses patients sur les rêves associés à l'angoisse et aux maladies, dans le but de les guérir. Il s'agit alors d'exhumer de douloureux souvenirs oubliés à l'origine des souffrances présentes. On comprend que cette approche bien qu'efficace, ne soit pas a priori très attractive. Freud est à l'origine de la méthode des associations libres qui est la 1ère méthode scientifique d'investigation des rêves. Heureusement l'inconscient ne recouvre pas uniquement des "fantômes effrayants dans le placard". Un psychologue américain Milton Erickson a démontré que l'inconscient est également riche en ressources créatives.
Il recèle les réponses à nos questions et les solutions à nos problèmes. A titre d'exemple voici le rêve d'une cliente âgée d'une quarantaine d'années, hyperactive du fait de son travail et de sa famille. Ce rêve, exposé lors d'un stage d'interprétation, date du mois de décembre 1999. La technique de décodage utilisée permet d'établir la relation entre les images oniriques de prime abord surprenantes, la réalité du rêveur (ses préoccupations) et la perspective que le rêve laisse entrevoir.
Titre du rêve : "un nouveau grenier"
"C'est une grande pièce style grand grenier aménagé, moderne, avec beaucoup de lumière. Mon mari est debout, je suis à côté, je déplace des fauteuils en forme de transat."
Les messages portant sur le sens du rêve sont exprimés par les participants au stage après la mise en oeuvre de la technique de travail sur le rêve :
* il y a un nouvel espace, mon mari y est, j'y suis, je m'y active pour faire un lieu de vie agréable.
* la situation actuellement vécue va se dégager et s'éclaircir, elle va vers une amélioration, le rêve est positif.
* au plan psychologique la partie masculine de la rêveuse représentée par son mari l'observe, immobile, avec perplexité en train de préparer le mobilier pour qu'elle se repose, se fasse plaisir dans un espace où ont été déblayés les souvenirs ébréchés de son enfance, de sa jeunesse.
Dans les rêves le temps n'est pas linéaire. Le passé, le présent et le futur s'entrelacent étroitement. Des séquences viennent ostensiblement du passé, d'autres reflètent les préoccupations présentes. D'autres encore arrivent tout droit du futur avec parfois plus d'un an d'avance ! Le fait de considérer ses rêves avec intérêt permet de disposer en conscience du libre arbitre de l'action.
Le choix nous appartient de concrétiser ou non les opportunités perçues en rêve et de tenir compte des messages d'alerte...
P. Fosse
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